Prisonniers en retenue ♣ EDEN

« Mais puisque je vous dis que ça ne sert à r...-
- Je m'en fiche ! Vous serez en retenue la semaine prochaine ! »

Et voilà toute l'histoire. Je me trouvais agréablement affalé sur ma chaise de cours, à écouter les enseignements quelque peu inutiles d'un professeur, quand j'avais décidé de ne plus perdre mon temps ici. Après avoir levé la main, j'avais poliment demandé la permission de sortir, lui avouant ouvertement que je trouvais la matière complètement inutile. Bref, pris de court, il s'était mit à crier ; inutile de dire qu'il était vexé et qu'il m'avait collé une bonne punition. Pour résumé, j'étais d'assez mauvaise humeur, trouvant la philosophie de cet adulte assez stupide. Je n'avais pas été méchant, juste honnête, et j'en payais les frais. Je n'avais aucune envie de me plaindre, pas plus que celle de l'ouvrir une nouvelle fois. Je décidais de me poser sur mes bras et observer ce cours ennuyeux malgré moi. Voilà à peu près comment je m'étais retrouvé, à dix huit heures, en train de marcher vers la salle de retenue. Devais-je sécher ? C'était très certainement la meilleure solution, mais j'allais au devant de gros problèmes.

Finalement, j'entrais dans la salle de classe, l'air décontracté. Je constatais, avec grande surprise d'ailleurs, que celle-ci était presque vide. Il n'y avait qu'un professeur, lequel était plongé dans une lecture passionnante, puisque cela relevait du magasine de mode. A ma vue, il releva la tête et me tendit une feuille, que je toisais d'un regard las, ne pouvant retenir un gros soupir plus longtemps. Comme je m'y attendais, sa réaction se limita à un cri de surprise et d'exaspération, lequel fut suivi d'un « Mr Kogane je vous conseille de ne pas trop la ramener vous avez déjà deux heures de retenue voulez-vous passez à quatre et je vous rappelle que .. » qui eut le loisir de me faire abandonner la partie. Je grommelais, lui adressant un signe de main pour le faire taire, et allais m'asseoir à côté de la seule personne déjà présente. Ayant envie de conclure ce truc le plus vite possible, je me plongeais malgré moi dans ma feuille. Un ramassis de bêtises inutiles, comme on pouvait s'en douter, bien sûr.

Exaspéré, j'attrapais un stylo et entamais les exercices, sans m'y atteler longtemps : je réfléchissais à peine, étant décidé à partir d'ici une heure au plus tard. Pas question de perdre mon temps plus de soixante minutes dans une salle aussi pourrie et puante - les fenêtres n'étant pratiquement jamais ouvertes. Fort heureusement, voyant le calme incontesté et sans doute pour une affaire importante, le professeur sortit de la salle, fermant la porte derrière lui. Esquissant un sourire, je me relevais alors.

« Quel idiot... » lançai-je.

Je lançais le stylo au hasard dans la salle et balayais ma feuille sur le sol avec nonchalance, décidé à m'arrêter là. Je posais ma main sur la table pour bondir par dessus, et marchais vers la porte en glissant une main dans ma poche. J'agrippais la poignée de la porte et la tournais... en vain. Stop, error 404 system. Je serrais la poignée une nouvelle fois et la secouais rageusement, plus qu'irrité. Je finis par m'arrêter, reprenant mon calme, et tournais ma tête vers l'autre personne, une fille, toujours calme.

Et ça fait la troisième fois de la semaine qu'Eden a oublié de faire ses devoirs de math.

Généralement, un cinquième de la classe en moyenne oublie de les faire, donc, en général, on n'est pas embarrassé, on est pas seul à se faire taper les doigts par le prof, on est pas seul à recevoir des regards désagréables de la part des autres élèves. Sauf hier. Fallait bien que ça arrive une fois, quand même. Fallait bien qu'Eden ait cette expérience inouïe de se retrouver seule à se faire crier dessus, à éviter tout ces petits yeux qui la fixe avec méfiance et être la seule de sa classe à être collée.

« Dix heures, dans salle de retenue. Tachez de venir mademoiselle Gale, si- »

Blablabla. Eden connaissait la chanson depuis un bon moment. Des fois c'était accompagné d'un regard de dégoûts, comme si les élèves qui ne faisaient pas leurs devoirs étaient un corvée - ce qui est peut-être vrai, en fait - ou quelque fois il y avait un « Mais pensez à votre avenir ! ». Enfin, tant qu'Eden ne saurât pas ce qu'elle voudrait être plus tard, les mathématiques elle s'en fichait. Parce que dans tout les cas, elle va jamais, jamais, jamais, faire un truc de matheux. Alors là, pas du tout ! Non, Eden se voit plus orienter vers quelque chose d'artistique. Bref.

Donc, voilà. C'est comme ça que la blonde tourna la poignée et ouvrit la porte grinçante et lourde de la salle de retenue, des oreillettes aux oreilles. Elle était pas la première, apparemment. Il y avait seulement un professeur et un élève plus âgé qu'elle. En traînant du pas, elle alla chercher sa feuille et vint s’asseoir à une table proche de la porte, pour, un fois ces longues deux heures abouties, pouvoir sortir à toute vitesse et s'en allait de cette vielle salle, froide et sans couleurs. Ce n'était pas la première fois que la fillette se retrouvait dans cette salle, mais peut importe combien de temps elle venait, elle ne pouvait jamais s'habituer à cette vieille odeur, qui restait toujours enfermée à cause des fenêtre jamais fermées - en y pensant elle n'a jamais vu une de ces fenêtres ouvertes, sûrement pour empêcher les élèves de s'échapper pendant que le prof était parti - et à ces vieux murs blanc sale.

Eden jetta un regard à sa feuille : des maths. Pff. Eden n'avait pas envie de faire des maths dans cette univers désagréable. Elle prit son crayon à papier et commença à dessiner des petits ninjas, des pommes et des chatons. Et pleins d'autre chose, mais on s'en fiche. Le surveillant se leva et sortit. Eden ne bougea pas, fatiguée à cause de s'ennuyer tellement. En revanche, trois seconde après que la porte s'eut fermée, l'autre élève se leva brusquement, jeta son stylo au hasard, piétina sa feuille et s'avança vers la porte en mode rebelle. Eden le suivit du regard. Elle posa son coude sur la table et plaqua son menton dans sa paume tout en regardant le garçon en train d'essayer d'ouvrir la porte.

Fufufu. Alors comme ça il croyait que les profs ne fermaient jamais la porte en sortant de la salle des collés ? C'est la même chose avec les fenêtres, elles sont toujours fermées. La porte aussi. Il essaya à plusieurs reprises de tourner la poignée, mais c'était en vain, bien sûr. Il se calma et tourna son regard vers Eden qui enleva ses écouteurs de ses oreilles.

« Tu pensais quoi ? Qu'il allait vraiment la laisser ouverte pendant qu'on était à l'intérieur, cette porte ? »

Eden soupira et jeta un regard au bureau du professeur qui se trouvait en face du tableau. Soudain, quelques choses lui revint à la tête.

« Mais il arrive qu'il laisse le double des clés dans le bureau. »

Soyons éclairs : je suis le genre de gars qui détestent avoir tort. Aussi, malheureusement, j'ai aujourd'hui eu le privilège d'avoir tort deux fois. Tort d'être venu ici en retenue, et tort d'avoir cru que les professeurs étaient aussi bêtes qu'il le laissait paraître. Je lâchais la poignée, reprenant en quelques instants mon calme, et écoutais ce qu'elle disait. Dans son cas, elle n'avait pas l'air pressée de sortir, et je ne partageais pas ce mode de pensée. J'avais besoin de bouger, de m'occuper, et je me retrouvais coincé dans une salle avec une fille... assez bizarre, d'ailleurs. Elle semblait d'ailleurs s'amuser de la situation, puisqu'elle se fichait de lui au travers des mots. Il se contenta d'écouter ses paroles d'une oreille en faisant le tour de la salle pour chercher une sortie. Jusqu'à ce qu'elle se montre un peu lucide en faisant allusion à un double des clés. Dans le bureau ? Pourquoi pas, après tout. Je fis volte-face et me dirigeais vers le bureau que je commençais à fouiller, renversant toutes les affaires qui y étaient. Rien.

J'avais beau être dans une situation qui aurait dû m'énerver plus que je ne l'avais déjà été, je gardais mon calme ; très certainement parce que je m'étais résolu à rester ici. Quand bien même, je devais lutter pour résister à l'envie de sortir par la force. Un bon coup de pied dans une porte est toujours efficace dans ce genre de situations. Alors pourquoi je ne le faisais pas ? Autre solution, il me suffisait de forcer l'ouverture de la fenêtre et de quitter la pièce d'un bond - mon pouvoir se chargeant du reste de l'affaire. C'était d'une simplicité étonnante. Alors pourquoi je ne le faisais pas ? C'était comme si quelqu'un me forçait à rester ici - une personne qui s'en serait sans doute mordu les doigts après, est-il bon de préciser. D'un certain point de vue, forcer la sortie de la salle de cours dans le seul but d'aller m'amuser dehors -alors que je pouvais le faire ici, d'ailleurs- était totalement idiot. Et puis, ne m'étais-je pas résolu à faire cette heure de colle ? Dans un soupir, je partis ramasser ma feuille et mon stylo.

« Bon, on dirait qu'on est bel et bien coincés. » dis-je d'un ton las.

A vrai dire, j'étais loin de penser qu'ils avaient réussi à m'enfermer aussi simplement, mais je préférais ne rien dire. Mes yeux se baladèrent sur la pièce entière, jusqu'à ce que je repère la feuille sous le bureau. J'intimais au vent de la transporter jusqu'à ma main, puis je l'empoignais et la déposais sur la table. La frime totale. Je cherchais ensuite le stylo des yeux, que je trouvais à mes pieds, et le ramassais rapidement. Cela fait, je me rasseyais à côté d'elle, les yeux rivés sur le plafond.

« Jason, lançais-je d'un ton assez aimable. Comment t'as fait pour te retrouver là ? »

Pour tout vous dire, bien que j'y sois décidé, je n'avais aucune envie de passer deux heures dans cette pièce. Tant à ce que ce soit le cas, l'idée de parler en même temps avec la seule personne qui avait un talent suffisant pour se retrouver dans une telle situation - qui n'avait plus le loisir de m'énerver, ayant déjà connu pire - n'était pas spécialement désagréable. Enfin, incapable de me concentrer plus longtemps sur ce devoir, je me redressais et m'amusais à faire flotter le stylo dans les airs.

Il fouilla le bureau.
A le regarder éparpiller toute les feuilles, à ouvrir tout les tiroirs brusquement, Eden comprit qu'il n'y avait pas les clés. Dommage, parce qu'Eden aurait voulu les avoirs, ces clés. Eden aurait préférée avoir cours d'histoire - à savoir qu'Eden n'aime pas l'histoire - que de rester enfermée dans salle avec un autre élève qu'elle n'avait jamais vu auparavant et qui essayer de garder son calme par rapport à la situation dans laquelle ces deux derniers se trouvaient. Et Eden aussi, essayer de garder son calme au niveau le plus bas qu'il puisse être à ce moment. S'énerver ne servait à rien, strictement rien.

En passant, l'autre, grâce à la force qu'Eden ne dispose pas, aurait put faire tomber la porte en essayant les coups de pieds qu'on voit dans les films. Vous savez, ce coup tellement géniale et parfait qui ferait tomber la porte si facilement. Désespérément, on n'est pas dans les films américain auquel Eden se référence la plupart du temps, on est dans la réalité. Bref.

« Bon, on dirait qu'on est bel et bien coincés. »

« On dirait bien, ouais. »

L'autre tourna son regard dans tout les coins de la salle et, par on ne sait quel moyen, la feuille qui était sous son bureau vint à ses mains et fit de même avec le stylo.
Okay.

Ce fut le moment où Eden se remémora qu'elle était dans une école avec des adolescents très spéciaux, et qui possédaient chacun d'eux un pouvoir plus ou moins géniale. Et ce fut le moment où Eden se demanda quel don possédait l'autre élève. Il vint s'asseoir à côté d'Eden.

« Jason. Comment t'as fait pour te retrouver là ? »

Ses paroles étaient dîtes d'un ton plus aimable. Eden, regarda au plafond à son tour, et soupira.

« Moi c'est Eden. J'ai pas fait un seul devoir de math de la semaine, et je me suis retrouvée ici. »

A la dire tout haut, Eden se faisait passait pour une stupide qui ne fait jamais quelque chose en cours. Ce qui est presque son cas, mais gardons cela secret, c'est trop embarrassant pour la pauvre Eden. Mais elle devait bien commencer une discussion avec la seule personne présente dans cette salle de retenue, pour faire passer le temps. Faut faire passer le temps, le plus que possible, pour pouvoir sortir vite fait de cette pièce salle et vielle et puante et ennuyante.

« Et toi, comment t'es atterries ici ? »

» EDEN ϟ Everyday I'm shufflin'
» Eden à besoin de se socialiser.

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